Les vraies raisons du manque de places d’examen du permis de conduire !

Comment et pourquoi l’État est responsable de la pénurie !


La carence des places d’examen pour passer un permis de conduire auto ou moto est désormais un grave problème national et les indicateurs sont au rouge vif pour 2013 avec la mise en place de nombreuses réformes à venir sur le permis (permis électronique et moto). Vous êtes parents, candidat ou futur candidat aux permis, voilà tout ce qu’il faut savoir et pourquoi vous êtes otages, au même titre que les auto-écoles, d’une administration défaillante.


L’impossibilité de passer son permis n’est pas franchement une nouveauté, mais un problème récurrent depuis 2006 et qui touche, selon les estimations les plus basses, deux millions de candidats, et quatre millions pour les plus pessimistes, un chiffre exorbitant dans les deux cas avec 1 300 000 permis délivrés en moyenne par an. Pour bien comprendre les choses, le principe de l’administration est concrètement d’offrir des places examens en fonction des premières demandes d’examen de l’année écoulée. Lisez notre article sur le système d’attribution des places dicté par la circulaire n° 2006-3.
 
Pour l’administration, l’échec et donc les représentations à l’examen sont réglés par un simple coefficient du nombre de premières demandes (mais pas de réussite à ce premier examen).
Derrière ce principe, la grande idée inavouée de l’administration est de réduire le nombre d’examens en mettant la pression sur les élèves afin qu’ils ne sollicitent qu’une fois l’examinateur, et donc en premier lieu sur les auto-écoles afin qu’elles présentent des élèves mieux formés. En chiffres : le taux de délivrance objectif sur le terrain en première demande est de 50 % et l’administration vise 64 %.

Un double problème pour les grands centres urbains : Hauts-de-Seine, Gironde et Rhône-Alpes, mais pas seulement.

Derrière le principe d’attribution des places d’examens, il y a aussi et surtout une administration défaillante, avec des centres d’examens incapables de fournir le nombre d’inspecteurs en adéquation avec les places d’examens déjà planifiées au plus juste. Dans le 92, selon la Tribune des Auto-Ecoles, la revue professionnelle du secteur de l’enseignement à la conduite, seuls 14 inspecteurs seraient effectivement sur le terrain sur un effectif total de 22. Maladie, non-remplacement, c’est l’hécatombe chez les inspecteurs, sans compter l’utilisation du droit de retrait, comme par exemple le 7 juin à Saint-Priest dans le Rhône pour les 21 inspecteurs suite à l’agression (une empoignade) de l’un des leurs. Du coup, c’est 160 candidats sur le carreau avant le bac et les vacances ! voir notre brève.
 
A l’échelle nationale, tous les candidats aux permis ne sont pas égaux face aux problèmes des places d’examens, il existe un vrai clivage entre les grandes métropoles et les zones rurales, même si localement des points noirs subsistent. En région, le Morbihan est particulièrement touché avec un délai pouvant aller jusqu’à 6 mois d’attente.

L’auto-école attribue les places à ses élèves, mais c’est la préfecture qui lui délivre son quota, et encore…

Le système d’attribution des places est pervers et se montre finalement complètement défaillant pour la qualité de l’enseignement. Pour l’auto-école, le seul moyen d’obtenir des places d’examen est de présenter en premières demandes des élèves capables de décrocher leur permis du premier coup. En conséquence, le syndrome du taux de réussite a envahi les auto-écoles françaises, certaines en ont même fait un argument commercial. Si la préfecture détermine le nombre de places par auto-école, l’administration se garde bien de calculer le taux de délivrance par inspecteur. Certaines auto-écoles importantes ont néanmoins officieusement « qualifié » leur centre d’examens et le résultat est édifiant : entre 20 et 80 % de taux de réussite en première demande en fonction de l’inspecteur ou de l’inspectrice. Voilà un sérieux coup porté à la pertinence du système d’attribution de places d’examen qui impose de lui-même une donnée variable, mais sans la prendre en compte.

La carence d’examen est tellement redoutée qu’un syndrome de la « réussite du premier coup » a envahi les consciences.

De plus, pour certains élèves ou certains parents d’ailleurs, l’échec à la première présentation reste nécessaire et même indispensable afin de crédibiliser toute la formation, ce phénomène est très bien connu des formateurs à la conduite, il est évalué entre 25 et 30 % de la population totale qui fréquente une auto-école. L’échec valorise et responsabilise certains conducteurs, c’est comme ça. Enfin la carence de places d’examen a un dernier effet pervers, elle interdit aux élèves tout changement d’auto-école. Car pour cette dernière, reprendre un élève en échec, c’est irrémédiablement faire baisser son taux de réussite. Finalement la seule chose que l’on puisse réellement reprocher aux auto-écoles dans ce problème est de présenter parfois des tarifs de présentation à l’examen trop élevés (100 euros), certes il y a l’utilisation de la voiture et la présence d’un moniteur, mais il y a quelques abus. Pour le reste, l’auto-école est piégée par le système exactement comme l’élève, qui n’a d’autre interlocuteur que son auto-école et sa secrétaire, coincée pour sa part entre la pression légitime de ses clients et la carence de places dictée par l’administration, qui semble à peine concernée.

Fin 2012 et début 2013 : les heures les plus sombres sont encore à venir

Le 20 juin, l’Unic (Union Nationale des Indépendants de la Conduite) organisait plusieurs manifestations devant les préfectures, et notamment à Nanterre et Bordeaux. Face au problème, la mobilisation fut en réalité une intersyndicale de la profession des auto-écoles pour réclamer à corps et à cris des places d’examen. Mais pas seulement. Pour Philippe Colombani, Président de l’UNIC, qui fait figure emblématique de ce combat contre l’administration, l’avenir est très sombre : « Nous demandons que tous les inspecteurs soient mobilisés à 100% sur le terrain pour faire des examens, aussi bien pour le B que pour la moto. Pour la moto la fin d’année va être compliquée avec l’arrivée de la réforme en janvier. Ce n’est pas anodin, mais les candidats actuellement en formation qui n’obtiendraient pas leur permis moto avant le 19 janvier 2013 seront concernés par la nouvelle catégorie A2. Donc il faut s’attendre à un afflux de candidatures sur la moto et le nombre de places d’examens est déjà trop limité. Pour ce qui est de l’examen du permis auto, il faut que le coefficient monte à 2 pendant 6 mois pour pallier à l’urgence de la carence de places. Nous réclamons également que la mission d’évaluation du stock de dossiers en attente, lancée il y a deux ans, publie enfin ses chiffres et ne reste plus muette. Au Ministère, ils se contentent d’affirmer que notre chiffre de 4 millions est faux, depuis deux ans. Enfin, nous demandons que l’administration se penche sérieusement sur l’absentéisme important des inspecteurs et que des solutions soient trouvées. »
Par ailleurs, l’UNIC demande toujours la création d’un droit opposable à l’examen du permis de conduire avec le projet DEXO. Une démarche au bénéfice direct des candidats aux permis de conduire. 

Entre politique-fiction et privatisation sans conviction

Le sujet est si important pour les jeunes qu’il a été politisé lors de la dernière campagne présidentielle de 2012, puis miraculeusement oublié jusqu’à maintenant, même s’il est encore trop tôt pour parler d’inaction. Pourtant le politique va devoir aboutir à une solution rapidement, il y a même urgence, car cette situation impacte toute la société française, notamment en étant l’une des composantes de la conduite sans permis et donc sans assurance. Les freins administratifs à l’accès au permis sont par ailleurs perçus comme le premier signe d’une France “autophobe”, et schizophrène qui s’étonne et se courrouce de la fermeture de ses usines productrices de petites autos.
En creusant un peu plus le problème, il est évident qu’il y a enfin et surtout un problème idéologique sur la privatisation de l’examen du permis de conduire. L’ancienne majorité avait même réfléchi en 2007, dans le cadre de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques), à donner le bazar au secteur privé avant finalement d’y renoncer. L’examen du permis de conduire reste donc un domaine à réformer, qui est passé à deux doigts de la réforme et qui connaît depuis des problèmes croissants de fonctionnement. Démonstration pour le moins implacable que le secteur public n’est peut être pas si efficace.

Dimanche 2 Octobre 2016
Christophe Harmand


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